Capsule EGLS

Janvier 2021 - Avril 2021 - Octobre 2021
Janvier 2022 - Avril 2022  - Juillet 2022 - Octobre 2022
Janvier 2023

 

Janvier 2023 - COVID (encore)

Cet homme de 29 ans m'a été transféré par une collègue pendant un quart de soirée. Il avait fait un test rapide antigénique COVID à la maison six jours plus tôt qui s'est avéré positif bien qu'il ait reçu trois doses de vaccin. Sa famille entière avait les mêmes symptômes et chaque membre avait un test rapide positif aussi. Ce jeune homme avait de plus en plus de misère à respirer et était dyspnéique au repos quand il a décidé de venir consulter à l'urgence.

Ses signes vitaux au triage et pendant son traitement démontraient qu'il était tachypnéique et hypoxique à l'air ambiant (79 %). Une canule nasale aidait à diminuer ses symptômes et à atteindre une saturation autour de 95 % à l'air ambiant. Ses bilans ont démontré une troponine de 104 n'augmentant pas de façon significative aux prises subséquentes, et un D-Dimère élevé. Son ECG démontrait une tachycardie sinusale. Un angioscan pulmonaire a été fait et ne démontrait pas d'embolie pulmonaire, mais montrait des changements diffus bilatéraux typiques de la COVID. Quand il m'a été transféré, le plan était que la médecine allait voir ce patient et l'admettre. On pensait que ses symptômes modérés étaient strictement liés à la COVID

Moins d'une heure après mon arrivée, on m'avertit que ses besoins en oxygène augmentaient et qu'il était hypotendu et tachycarde. Il n'avait pas eu d'évaluation au chevet avec l'échographie, je suis donc allé le réévaluer, avec la machine d'écho cette fois-ci.

Nous avons observé de façon non surprenante les lignes B diffuses et bilatérales, sans évidence d'épanchement pleural (non illustré ici). Le patient était très inconfortable lorsqu'allongé. Nous avons donc procédé avec le reste de l'examen avec le patient en position semi-assise, peu idéale mais nous permettant tout de même d'évaluer le cœur et la veine cave inférieure. De façon globale, la contractilité du ventricule gauche semblait faible en PLSA, PSCA et A4c, et le ventricule droit aussi semblait être atteint (nous observions un TAPSE clairement de moins de 17 mm et le ventricule droit semblait presque aussi gros que le gauche). Il ne semblait pas y avoir d'épanchement péricardique. La veine cave était distendue et variait de moins de 50 % avec la respiration spontanée (sniff). Le patient a rapidement commencé à recevoir des amines et des antibiotiques de large spectre, et les soins intensifs ont été appelés au chevet. Une cardiomyopathie septique ou myocardite virale étaient les diagnostics les plus probables pour ce patient. Il n'a heureusement eu besoin que de quelques jours aux soins intensifs pour ensuite rejoindre l'étage de médecine et avoir congé après une semaine d'hospitalisation.

Hétoum Misirliyan, Hon B. Sc., M.D., CCMF (MU)
Directeur EGLS Canada
Hôpital Montfort
Institut de cardiologie de Montréal
hetoummisirliyan@montfort.on.ca

 

Octobre 2022 - Vignette d’un collègue mordu d’écho

Aujourd'hui, nous vous présentons une vignette clinique par mon collègue mordu d'écho. Vous remarquerez que sans l'échographie au chevet, encore une fois, ce diagnostic aurait fort probablement été manqué !

Femme de 32 ans envoyée à l'urgence par son médecin de famille pour un possible problème hépatobiliaire.

Elle a des antécédents de cholécystectomie 14 ans auparavant. Elle prend un ISRS pour la dépression et la pilule contraceptive.

Un mois plus tôt, elle a été diagnostiquée avec une bronchite et on lui avait prescrit un antibiotique et une pompe. Malgré ces traitements, sa dyspnée à l'effort a persisté et elle a développé une orthopnée ainsi qu'une vague douleur rétrosternale. Depuis trois semaines, elle se plaint aussi de douleurs abdominales diffuses et de vomissements intermittents ainsi que de sueurs. Sa douleur abdominale est principalement à l'HCD et au flanc droit et elle est plus intense après avoir mangé. Elle a aussi noté un œdème au niveau du bas des jambes.

À l'examen, les signes vitaux de la jeune femme sont normaux à part une tachycardie à 117 bpm. Elle n'a pas d'ictère a/n des sclères, mais elle a une vive sensibilité à la palpation de l’HCD et de la région épigastrique. Son auscultation pulmonaire démontre de fines sibilances bilatérales.

L'ECG est en tachycardie sinusale avec des signes d'HVG avec des anomalies de repolarisation. Le R-X P démontre une cardiomégalie.

L'échographie au chevet démontre des reins normaux et il n'y a pas de liquide libre dans l'abdomen. Cependant, sa veine cave inférieure est très distendue et elle a de petits épanchements pleuraux bilatéraux. L'écho de son cœur ne montre pas d'épanchement péricardique, mais il met en évidence un VG très dilaté avec une dysfonction systolique sévère (estimation qualitative) ainsi qu'un possible caillot à l'apex.

Ses labos sont normaux hormis une troponine élevée à 60.

Elle est anticoagulée et du furosémide intraveineux est administré, puis elle est admise en médecine.

Le diagnostic posé est celui d'une myocardite virale avec une cardiomyopathie dilatée sévère secondaire causant une insuffisance cardiaque congestive associée à un caillot apical dû à sa fraction d'éjection extrêmement réduite (un échocardiogramme formel fait pendant son admission a démontré une FEVG de 17 %). Sa douleur abdominale est attribuée à une congestion hépatique passive causée par sa dysfonction cardiaque.

 

 

Nicolas Chagnon, M.D., CCFP-EM
Hôpital Montfort

 

Juillet 2022 - Dyspnée

Aujourd'hui, je vous présente une situation relativement commune à l'urgence, pour laquelle l'échographie au chevet a été un véritable atout dans l'identification rapide de la pathologie en cause.

C'était un soir de semaine dans l'hôpital communautaire où je travaille. Un homme de 47 ans se plaignant d'une dyspnée progressive dans le dernier mois est apporté par les ambulanciers. Son inconfort grandissait dans les dernières 48 heures. Monsieur avait l'habitude de courir aisément au moins 10 kilomètres tous les jours, ce qui l'a amené à consulter. Il était autrement en bonne santé, sans antécédents médicaux ou chirurgicaux particuliers, avec des habitudes de vie relativement saines. La revue des systèmes était sans particularité. Ses signes vitaux étaient dans les limites de la normale et le restaient à l'effort, mais sa dyspnée revenait avec un déplacement dans l'urgence aussi court que 10 mètres. Son examen physique et ses investigations à l'urgence étaient dans les limites de la normale. Nous avons apporté l'échographie au chevet pour observer ses poumons et son cœur.

 

 

En examinant ses poumons, on pouvait observer un glissement pleural bilatéral, sans évidence de lignes B ou d'épanchement pleural. La plèvre semblait lisse et régulière de façon globale. En observant le cœur dans les vues sous-costales, parasternales long axe et apicale quatre chambres, c'est là qu'on a pu mettre le doigt sur le coupable probable : une masse échogène semblait remplir la presque totalité de l'oreillette gauche. La cardiologie a été consultée dans le centre tertiaire le plus proche de notre hôpital communautaire ; ils partageaient nos inquiétudes quant à cette masse, les pathologies les plus probables étant un thrombus ou un myxome atrial. Le patient a été admis et héparinisé, a eu une échographie transthoracique par technologue le lendemain à l'étage. Cet examen a confirmé un myxome atrial. Le patient a rapidement été transféré au centre tertiaire s'occupant de notre région et opéré, tout ceci moins de 48 h après sa présentation à l'urgence.

Hétoum Misirliyan, Hon B. Sc., M.D., CCMF (MU)
Directeur EGLS Canada
Hôpital Montfort
hetoummisirliyan@montfort.on.ca

 

Avril 2022 - Réanimation

Je vous présente aujourd'hui un cas de réanimation qui se concentre sur le côté droit du cœur.

Il s'agit ici d'un homme de 46 ans, transporté par ambulance à notre hôpital et souffrant de dyspnée, de douleur thoracique et de dyspnée au moindre effort depuis les trois derniers jours. Il a eu une syncope quelques temps après avoir appelé l'ambulance et en aurait eu une autre avec les ambulanciers pendant son transport à l'hôpital. Ses signes vitaux au triage démontraient qu'il était tachycarde mais normotensif, tachypnéique et avait besoin de canules nasales à 4 L/min pour maintenir une saturation autour de 94 %. Il était afébrile. En révisant son dossier, on note qu'il a eu congé 11 jours plus tôt du service de neurochirurgie à la suite d’une procédure de cytoréduction pour une tumeur cérébrale.

À l'examen physique, outre la tachypnée, le patient était relativement calme et confortable. Son auscultation cardiopulmonaire était relativement normale. On notait que sa cuisse et son mollet droits étaient plus larges que ceux de gauche et sensibles au toucher. Vous me voyez venir, l'hypothèse d'une thrombose veineuse profonde et d'une embolie pulmonaire dans un contexte post-opératoire récent saute à nos yeux. J'ai la machine d'échographie avec moi. Je suis donc à la recherche de signes échocardiographiques d'une embolie pulmonaire.

En parasternal long axe, on se rappelle qu'on devrait avoir une relation 1:1:1 entre le ventricule droit, la racine de l'aorte ascendante et l'oreillette gauche. Je trouvais en partant que le ventricule droit semblait plus proéminent avec cette première vue.

Je vous montre une autre façon de voir le cœur droit, soit le RV inflow view, que je vous encourage à essayer : en partant de la vue parasternale long axe, je fais un balayage vers la hanche droite du patient et ça me permet de voir l'oreillette droite, le ventricule droit et la valve tricuspidienne. D'une part, je trouve encore que le VD est proéminent. D’autre part, en mettant le doppler couleur, on note un jet de régurgitation tricuspidienne qui est significatif ici et fort probablement nouveau.

Je retourne en parasternal court axe et je vois un autre signe de souffrance du VD : non seulement le VD est bien plus gros que la normale, mais le septum interventriculaire se bombe vers le VG en systole et en diastole, ce qui m'indique qu'il y a une surcharge de pression. On appelle ce signe le signe du D (D sign).

Enfin, bien que j’aie de la misère à obtenir les images que je veux avec la position du patient et son IMC élevé, j'obtiens une vue apicale quatre chambres qui me montre que l'apex du ventricule droit est encore une fois élargi et semble hyperkinétique, alors que le reste du ventricule droit ne se contracte pas de la même manière. Imaginez quelqu'un qui saute sur un trampoline, l'apex du VD ressemble un peu à ceci ! Ce signe a encore un éponyme, soit le signe de McConnell.

Bref, avec tous ces clips, on note plusieurs signes de souffrance du VD qui sont aigus. On pensait de toute manière à une embolie pulmonaire, mais ces signes sont vus lors d'une embolie pulmonaire submassive ou massive, ce qui devrait soulever un drapeau rouge dans votre esprit avant même que le patient soit hémodynamiquement instable. Rapidement, ce patient a obtenu un angioscan pulmonaire qui a confirmé une embolie pulmonaire en selle avec d'innombrables emboles additionnelles bilatérales. Le patient est graduellement devenu instable hémodynamiquement. Compte tenu de sa chirurgie récente, les services de soins intensifs, de thrombose, de neurochirurgie et de radiologie d'intervention ont été activement impliqués pour ses soins. Le patient a dû avoir une embolectomie et une thrombolyse guidée par cathéter et a été admis aux soins intensifs.

Hétoum Misirliyan, Hon B. Sc., M.D., CCMF (MU)
Hôpital Montfort
hetoummisirliyan@montfort.on.ca

 

Janvier 2022 - Échographie pulmonaire

Parlons d'échographie pulmonaire aujourd'hui. En temps de COVID-19, c'est une application de l'échographie au chevet qui a certainement été très utile. Nous ne parlerons pas de COVID-19 aujourd'hui par contre, soyez rassurés.

Je suis en zone d'observation, à la moitié de mon quart. Mon prochain patient est un homme de 82 ans qui se plaint d'une toux productive et de dyspnée depuis trois semaines, qui ne semble malheureusement pas répondre à ses pompes, ni aux traitements antibiotiques et aux stéroïdes prescrits en externe. Ses antécédents médicaux révèlent une MPOC sévère sans oxygène à domicile, de l'insuffisance cardiaque, de l'hypertension et une dyslipidémie. On note qu'il cherche son souffle malgré l'oxygène supplémentaire, qu'il est diaphorétique et qu'il a un certain œdème des deux membres inférieurs. Il désature rapidement à l'effort minime, mais ses signes vitaux sont autrement stables depuis son arrivée à l’urgence. À l'auscultation, on note une entrée d'air diminuée de façon importante sur toute la plage pulmonaire gauche, qui confirme ce que j'avais observé à la radiographie pulmonaire obtenue avant que je voie ce patient, soit un poumon blanc. Heureusement, avec l'échographie, je peux déterminer rapidement si ceci représente un épanchement, une consolidation, ou même une combinaison des deux. Heureusement, j'ai apporté la machine d'échographie avec moi.

On divise des plages pulmonaires selon un article de Volpicelli, soit en divisant chaque hémithorax (G et D, ou L et R) en deux parties antérieures (1 et 2), deux parties latérales (3 et 4), et deux parties postérieures (5 et 6).


Source : https://www.scielo.br/j/rb/a/ZH5v8qZBZgdYBD6FBPJZ8Dg/?lang=en#ModalFigf1

Pour les plages pulmonaires droites, rien de particulier en antérieur, latéral ou postérieur : je note un bon glissement pleural, pas de lignes B et aucun épanchement pleural de ce côté. Cependant, en interrogeant l'hémithorax gauche, les plages antérieures et latérales se révèlent particulièrement intéressantes.

 

En antérieur (L12), je remarque que la plèvre perd son aspect fin et précis pour une apparence irrégulière et épaisse, avec des lignes B et une consolidation subpleurale. De plus, on observe que le tissu pulmonaire ressemble parfois à du foie, phénomène qu'on appelle « hépatisation du poumon ». Finalement, je remarque une ligne hyperéchoïque qui s'appelle le shred sign et représente l'interface entre du poumon consolidé et du poumon rempli d'air. À noter que les trouvailles pulmonaires peuvent être vues grâce au fait que le poumon malade touche la plèvre. Si du poumon sain et rempli d'air était intercalé entre la sonde et le poumon malade, on n'aurait pas pu observer ceci. Toutes ces trouvailles pointent vers un phénomène inflammatoire et infectieux, tel une pneumonie.

 

 

En latéral (L34), je vois le poumon qui ballotte dans une collection hypoéchoïque relativement simple. On ne devrait pas voir du poumon sain, mais par atélectasie de compression, on peut voir du tissu pulmonaire. On note de passage qu'on voit bien plus la coupole diaphragmatique gauche, qui est permis par la présence anormale de liquide dans cet hémithorax. Donc, ici, on voit aussi des signes d'épanchement pleural, possiblement parapneumonique, mais fort probablement plutôt secondaire à son insuffisance cardiaque. On fait face ici à un problème double, soit le plus probablement une décompensation d'insuffisance cardiaque, et une pneumonie atteignant le poumon gauche.

J'espère que vous pourrez apprécier l'utilité de l'échographie pulmonaire et penserez à l'utiliser lors de votre prochaine quart, que vous pensiez que la COVID-19 atteigne votre patient ou non !

Hétoum Misirliyan, Hon B. Sc., M.D., CCMF (MU)
Hôpital Montfort
hetoummisirliyan@montfort.on.ca

 

Octobre 2021 - Valves

J’ose parler de valves, même si ça sort un peu du cadre de l’EGLS.  Ici, l’écho ciblée est vraiment l’extension de l’examen physique.

Je termine un quart de travail occupé en zone aiguë en plein milieu de l’été 2021, en début de carrière. Mon collègue m’apostrophe et me parle rapidement de son dernier patient, en se grattant la tête : un homme dans la cinquantaine, autrement en bonne santé, qui a été envoyé à l’urgence pour une fièvre persistante depuis déjà plusieurs semaines. Son bilan à l’urgence était peu contributif, mais mon collègue pense avoir entendu un souffle cardiaque, qui ne serait pas connu d’après le patient. Plane alors un diagnostic potentiel d’endocardite versus une fièvre d’origine indéterminée.

Je propose d’aller au chevet avec la machine d’échographie pour faire un examen cardiaque ciblé, ainsi que pour examiner les poumons. Les plages pulmonaires sont sans grande particularité : j’observe un glissement pleural bilatéral sans évidence de lignes B (qui, si présentes de façon diffuse, pourraient suggérer un syndrome interstitiel). Je voulais regarder les vues cardiaques obtenues.

 

 

Côté contractilité, ça semble correct globalement. Il n’y a pas d’épanchement péricardique et il ne semble pas y avoir de signe de souffrance du ventricule droit. Vous remarquerez sans doute ce qui semble être une excroissance mobile au niveau du feuillet mitral antérieur, hautement suspecte pour une endocardite. Cependant, ce qu'on remarque de façon plus flagrante, est la présence d’une régurgitation mitrale qui semble sévère. Je partage mes inquiétudes et mon collègue en parle au centre tertiaire le plus proche, soit l’Hôpital d’Ottawa.

Je garde en tête que l’écho ciblée permet seulement de suspecter le diagnostic d’endocardite et non de l’éliminer. C’est un peu comme pour la dissection aortique : trouver un flap dans l’aorte permet de suspecter fortement la présence d’une dissection, mais une écho ciblée normale n’exclura jamais un diagnostic de dissection aortique.

En 48 heures, le diagnostic d’endocardite sur valve native avec une régurgitation mitrale sévère a été confirmé par une échocardiographie au département de radiologie. Le patient a été transféré à l’institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa et a eu un remplacement de valve.

Hétoum Misirliyan, Hon B. Sc., M.D., CCMF (MU)
Hôpital Montfort
hetoummisirliyan@montfort.on.ca

 

Avril 2021 - Le patient blêmus

Depuis quelques années, j’organise mon horaire pour travailler avec l’équipe de nuit de Stéphanie. Grâce à sa grande expérience et à son jugement aiguisé, elle sait reconnaître rapidement un patient qui a le potentiel d’aller mal.


Elle reste en contrôle, jamais un mot plus fort que l’autre. Ce n’est pas toujours évident de saisir l’urgence d’une situation quand l’assistante-infirmière-chef est aussi calme. Je dois être attentif à certaines de ses expressions.


J’ai donc appris le sens du mot blêmus, comme dans la phrase : « JP, faudrait peut-être que tu viennes voir le patient en réanimation, y’é vraiment blêmus ».


Blêmus, pour moi, ça veut dire « ? ». C’est mon approche au patient qui va mal. J’imagine un point d’interrogation sur son thorax : c’est le chemin que doit suivre ma sonde d’écho. Poumon droit, poumon gauche, vue sous-costale, veine cave. En quelques secondes, je sais comment orienter mon traitement.

202104EGLS

En associant différentes trouvailles dans ces trois vues, on obtient des signatures échographiques distinctes. Voici un exemple : https://youtu.be/6wAAut1BVIA.

 

Mon diagnostic numéro 1 : l’embolie pulmonaire, d’autant plus que j’apprends que ce coiffeur vient de faire une syncope au travail.

Je garde en tête qu’un ventricule droit dilaté peut aussi être en lien avec une hypertension pulmonaire chronique. Début de sepsis ou de saignement chez un MPOC sévère ?

Récemment, à la fin d’une garde, Louis-Simon Grenier de Jonquière a eu un cas semblable. Il est passé devant la salle de réanimation, manteau sur le dos, puis s’est offert pour donner un coup de main. Il a fait son mantra du poumons-vue-sous-costale-veine-cave. Par la suite, il a décidé de prendre quelques secondes de plus pour faire des vues cardiaques complémentaires, question de confirmer son impression d’un ventricule droit dilaté : https://youtu.be/0GDQRusngSU.

 

N’attendons pas que le mot choc nous vienne à l’esprit avant d’utiliser l’écho. Personne ne regarde un patient en se disant : « Ouin, y’a l’air en choc ».

Votre patient est blêmus, sortez votre sonde !

Jean-Philippe Garant, M.D., CCMF (MU)
Directeur EGLS

 

Janvier 2021 - Cowansville, 1 h du matin...

Il est 1h du matin. Je couvre l’urgence de mon petit hôpital rural en Estrie. Je fais partie des médecins de la classe des « nuiteux» ayant probablement un code génétique proche de celui du raton laveur (je connais mieux le raton depuis qu’on a travaillé sur l’exposé oral de ma fille).

Une patiente de 35 ans se présente pour de l’enflure des jambes et de l’orthopnée. Déjà, ça ne sent pas bon.  Elle est souriante et légèrement essoufflée. Pouls 144, TA 110/80. Sat 97 %, pas de fièvre. ÉCG : tachycardie sinusale.

Je suis inquiet. Je prends la sonde :

 

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J’appelle le résident en cardiologie d’un centre tertiaire. J’ai bien l’impression qu’il ne me prend pas au sérieux. Un gars de nuit à Cowansville, est-ce que c’est vraiment fiable ? Je décide donc d’utiliser l’arme secrète :

- Aimeriez-vous voir sa vue sous-costale ? J’ai fait un petit vidéo, je vous envoie à l’instant

(Silence de transfert de texto.)

- OK, ta patiente, on l’attend, on est prêt à la recevoir tout de suite. Ne fais rien, pas de médicament, tu nous l’envoies.

Avec la pandémie, les cours d’échographie ont tous été annulés. Pourtant, le défi de la gestion des patientes et des patients instables demeure. Pourrait-on enseigner l’écho à distance ? Puisque de nombreuses sociétés médicales européennes et américaines offrent des formations structurées d’échographie en ligne, nous avons décidé d’emboîter le pas.

Le cours EGLS propose maintenant un programme de formation en ligne divisé en quatre étapes : 

  1. Préparation (3 h) ;
  2. Cours interactif en ligne en petit groupe, basé sur l’étude de cas cliniques (3 h) ;
  3. Élaboration d’un portfolio de vidéos ;
  4. Révision individuelle des vidéos avec un instructeur expérimenté (1 h).

Ma jeune patiente avait un épanchement péricardique et une dysfonction systolique sévère. Si vous regardez attentivement, vous remarquerez que l’épanchement péricardique est circonférentiel, mais qu’il n’y a pas de collapsus des cavités droites en diastole, ce qui ne colle pas avec un diagnostic de tamponnade.  

De plus, vous voyez qu’il n’y a aucun épaississement des parois du ventricule gauche en systole. Ça bouge, mais ça ne s’épaissit pas. Au pif, ça donne une FeVG à 10 %.  Donc, probablement une myopéricardite virale sévère. Cette patiente avait vraiment besoin d’être dans un centre ultraspécialisé.

N’hésitez pas à me partager vos cas cliniques et vos vidéos pour cette nouvelle capsule sur l’échographie du cœur, des poumons et de la veine cave. Prochain numéro, l’histoire de Louis-Simon de Jonquière qui, avec son manteau sur le dos avant de quitter à la fin d’une garde, identifie une signature échographique d’embolie pulmonaire massive chez une patiente en choc.   

Jean-Philippe Garant, M.D., CMFC (MU)
Directeur EGLS
jean-philippe.garant@usherbrooke.ca